Mergui ou Myeik la cosmopolite

Vue de Myeik, ville côtière au sud de la Birmanie.

Vue de Myeik, ville côtière au sud de la Birmanie.

 

Mergui ville birmane cosmopolite. C’est d’abord un voyage dans le temps que nous effectuons et les descriptions du 19e siècle semblent soudain prendre vie sous nos yeux. Environ trois cents mille habitants vivent a Mergui (Myeik), ville colorée, forte, intense de par son histoire qui fit d’elle le principal port de la région durant de longs siècles, attirant des émigrants, de gré ou de force, qui composent aujourd’hui le visage cosmopolite de la ville, partagée entre les mondes musulman, chinois, indien, birman, karen et encore autrefois siamois, anglais et moken. Tous les métiers sont pratiqués, à l’image de ce qui se passait dans le monde à l’époque préindustrielle : la forge à soufflet, une merveille de bricolage inventif, le ciselage du bois, les fabriques de bougies, les fabriques de cigares, grande spécialité locale et les inévitables fabriques de nouilles de riz.

Il faut décrire le charme du quartier résidentiel, parler des cimetières japonais, catholiques, karen, bouddhistes, que l’on ne retrouve jamais, comme si le passe devait être oublie mais pas détruit. Il reste un cimetière chinois ou les tombes sont à l’abandon. Il faut parler des innombrables pagodes bien sur qui rythment l’activité de la ville, du quartier anglais avec ses solides maisons en pierre de style sino-colonial, du port commercial, des quartiers chinois, musulman du quartier oublie des temples indiens et des églises protestantes ou catholiques.

Restons dans le quartier populaire qui fut créé pour accueillir les nouveaux arrivants ; gagne sur la mangrove, ses habitations sont construites en matériel végétal. Partant de l’embouchure mystique du port installé sur un des bras du fleuve Tenasserim, un réseau complexe de canaux et de bras de rivières s’organise. Les chantiers navals, les ateliers de réparation ou de calfatage se partagent les travaux nécessaires à l’entretien des bateaux.

Dominant cet endroit improbable, voici les deux grosses bâtisses de pierre grise, sombres habitations qui ont abrité les secrets japonais de la deuxième guerre mondiale et les secrets plus anciens des colons anglais. Non loin de là, après avoir passé le quartier indien et respiré l’odeur tenace du curry en train d’être pilé, voici le quartier musulman. Au sommet de la colline s’éleve la tombe du Cheik Baba dont les descendants sont encore les imams locaux. La mer arrivait au pied de la mosquée et on venait prier en bateau à l’époque ; mais la richesse des limons alluvionnaires du delta du fleuve Tenasserim repousse toujours plus avant les limites de cette ville aux contours incertains. Ainsi, bientôt un nouveau Mergui s’est constitué. Le quartier populaire prend sa source et sa vie à l’embouchure du fleuve où flottent l’embarcation. Non rien n’a changé, toujours ces mêmes bateaux monoxyles chargés de palmes de nipa et de pandanus destinés à la construction des maisons, chargements pyramidaux immenses de piliers de fondations, de légumes, de noix de coco qui s’engagent dans le port à la force du bras et grâce à la perche à propulsion mécanique. Tous ont une voile supplétive au moteur antédiluvien. Voilà un énorme sampan d’origine chinoise ; voilà une petite pirogue monoxyle. C’est la vie de l’Asie d’autrefois à l’état pur et à l’état brut avec ses sarongs colorés et ses regards de bienveillance. La ville est indescriptible en quelques lignes car sa force et sa densité n’ont pas d’égal au monde. Bien que de nombreuses villes aient retenu l’attention des organisations internationales culturelles, la ville de Mergui, une des plus belles cités de l’Asie du Sud-Est, ne bénéficie jamais d’aide financière et risque de se détériorer progressivement.